ILLUSIONS RÉALISTES

L’un des phénomènes des plus extraordinaires dans l’aventure artistique est que l’artiste, sous couvert de la puissance de sa création, parvienne à imposer des images tellement plus fortes que la réalité, qu’elles la supplantent dans la vision que l’on en aura désormais. Les images de Magritte possèdent cette capacité et aujourd’hui, par un biais encore bien plus insidieux, parce qu’il joue sur l’équivoque, le faire comme si, les dessins de Jean-Michel François ont atteint ce stade.

Lieux imaginaires ?

Clos, vides de présence humaine, à peine éclairés, tendant à l’uniformisation chromatique par un étrange phénomène d’osmose qui gagne jusqu’aux moindres détails de l’endroit, optant cependant pour des nuances bleutées comme s’ils manifestaient une méfiance pour le noir macabre, nets, bien que sombres, ils n’offrent qu’une rigueur architecturale bannissant toute fantaisie. Mais ils s’imposent. Le regard est leur otage. Silencieux et solitaires, de nulle part et d’ailleurs, illusions, ils sont, je le sais j’en ai rencontré, plus vrais que nature. Par quel subterfuge ? Parce qu’ils sont mystères artistiques, impertinents par leur secret, inexplicables, hors de portée.

Parce que leur énigme ne cesse de nous intriguer.

Claude Lorent
Préface à l’exposition Jean-Michel François : Illusions réalistes – Galerie Détour mars/avril
1991