La peinture de Jean-Michel François fait sienne les devises de René Char « Confort et crime m’a dit la source en son rocher », « Le fruit est aveugle, c’est l’arbre qui voit ». Regarder ses créations exige d’abandonner le confort du déjà-vu, de l’œil qui, à priori, a tout enregistré, tout traduit en savoir, en reconnaissable.

Il faut se laisser désarçonner, il faut amener le regard à sortir de ses ornières, de ses rails, de sa domestication. Dégriffés, acculturés, installés dans le ronron d’une reconnaissance qui élude le face-à-face avec le nouveau, avec l’inédit, les sens ne répercutent que du même, de l’identifiable, du classable. Afin de voir, entendre, lire, humer l’infime, l’instable, l’oblique,
le moléculaire, il faut ôter les filtres qui règlent et balisent la perception, jeter par-dessus bord l’appris, les mécanismes rodés, cesser de se mettre à l’abri.

Se laisser aller à l’errance.

Véronique Bergen
in Le Cercle Noir : exploration des états de l’ombre.
Ed. Tandem – 2018